Selon le dictionnaire Le Robert, la réactivité est la « capacité de réagir à une intervention, une stimulation extérieure ».
Appliquée à l’humain la réactivité est une qualité recherchée notamment dans le domaine professionnel.
Pourtant, lorsque l’on parle de chien réactif, on évoque un comportement problématique tant pour l’animal que pour ses compagnons humains.
La réactivité chez le chien peut concerner différentes situations :
- Le chien réactif vis-à-vis de ses congénères ou de certains d’entre eux ;
- Le chien réactif en laisse qui se montre sociable quand il est détaché
- Celui qui réagira plutôt sur les humains ;
- Pour un autre, ce sont les choses en mouvement qui le déclencheront ou les bruits…
Elle peut aussi se manifester de différentes façons :
- De l’agressivité (aboiements ou hurlements, tension extrême de la laisse, grognements, morsures…)
- De la surexcitation (sauts, aboiements…)
- De la fuite
Mais à chaque fois, il s’agit bien d’une réaction à une stimulation extérieure.
Dans le cadre de cet article, nous allons nous pencher sur les raisons de la réactivité congénères qui est un phénomène très fréquent : lorsque le chien est en présence d’un autre chien, ses réactions sont disproportionnées, allant de l’hyperexcitation à l’agressivité.
Les causes évoquées ci-dessous, même si elles explicitent particulièrement la réactivité congénères, sont souvent les mêmes pour toute autre sorte de réactivité
Dans un contexte de chien réactif, tout le monde souffre :
- Le chien qui est submergé par des émotions qu’il n’est pas capable de gérer
- Les propriétaires qui sont toujours dans la crainte d’un déclenchement notamment lorsqu’il s’agit d’un chien agressif
Un autre article traite des solutions à mettre en œuvre pour aider le chien réactif à mieux gérer ses émotions. Mais connaître les raisons qui créent de la réactivité aide à comprendre la situation et à mieux mettre en œuvre les moyens pour y remédier.
Les raisons qui rendent un chien réactif peuvent être multiples, plusieurs d’entre elles pouvant se cumuler.
On peut les classer en deux grandes catégories :
- Celles qui relèvent du chien lui-même
- Celles qui relèvent de l’action humaine (ou de l’inaction)
La réactivité liée au chien
Comme tout être vivant, le chien possède des caractéristiques propres à son espèce, à sa race et aussi à son individualité.
Le caractère du chien
Tout comme les humains, les chiens ont des caractères différents.
Certains sont sûrs d’eux, se sentent en confiance quel que soit l’environnement, ont un seuil de tolérance élevé.
D’autres au contraire, sont de nature plus sensible ou craintive. Leur seuil de tolérance est bas et ils sont rapidement mal à l’aise. Les individus de cette catégorie seront plus susceptibles de se faire déborder par leurs émotions et de souffrir de réactivité.
Tout comme certains humains n’apprécient pas la compagnie, il y a aussi des chiens qui sont asociaux et n’aiment pas les autres chiens. Bien qu’assez fréquente, cette situation est souvent difficile à accepter par les humains car nous avons tendance à penser que les chiens s’aiment spontanément et qu’un chien « normal » est toujours heureux de voir des congénères. De ce fait, nous sommes mécontents lorsque notre animal montre de l’hostilité et ne veut pas s’amuser avec les « copains »
A l’autre extrémité, nous trouvons le chien qui aime énormément ses congénères. Il peut aussi développer de la réactivité du fait même de cet élan vers eux : le jour où il se fait durement recevoir par un autre chien, il peut commencer à ressentir de la crainte. De plus ces chiens-là ont parfois tendance à se montrer harceleurs ce qui augmente le risque de se faire agresser.
La race du chien
Par nature, il n’y a pas de race plus agressive ou craintive que d’autres.
Cependant, la fonction dévolue au chien par la sélection peut créer des prédispositions à la réactivité.
Comme cela est détaillé dans l’article sur le choix de la race, certaines catégories de chiens ont des besoins spécifiques qui sont souvent imparfaitement satisfaits par notre vie moderne.
Ces animaux risquent de compenser leur frustration par des comportements excessifs incluant la réactivité vis à vis de leurs congénères, d’humains, d’enfants, de cyclistes…
Les expériences intenses
Les expériences passées expliquent parfois le comportement présent.
Un chien qui a vécu un moment éprouvant mettant en scène un autre chien peut en garder un souvenir tel qu’il associera ses congénères avec cet instant de frayeur ou de douleur.
Ce n’est ni systématique ni général.
Le chien peut vivre un terrible moment (se faire attaquer) sans en garder de séquelles et à l’inverse, un évènement apparemment anodin (se faire aboyer dessus) le rendra craintif avec ses congénères et pourra en faire un chien agressif.
La réactivité liée à l’expérience peut être générale ou sélective c’est-à-dire s’étendre à tous les congénères que le chien va croiser ou être dirigée vers certaines catégories de chiens qui rappellent le ou les évènements traumatisants.
Très souvent, nous ne savons pas ce qui s’est passé ou nous n’avons pas pris conscience de l’ampleur de l’émotion provoquée par une situation.
Prenons l’exemple d’un chien qui lors d’une balade se fait furieusement aboyer dessus par un congénère. Si dans les semaines qui suivent, les propriétaires s’aperçoivent que leur animal commence à donner des signes de réactivité, ils ne vont pas forcément faire le lien avec cet incident qui leur semble banal.
L’autorenforcement
Si le comportement adopté par le chien lui donne satisfaction, il le répètera encore et encore jusqu’au moment où cette façon de réagir deviendra automatique.
C’est l’exemple typique du facteur : le facteur s’arrête devant le portail; le chien aboie; le facteur s’en va…Pour l’animal c’est son aboiement qui a provoqué le départ du préposé. Donc, il aboiera à chaque fois que le facteur passera puis dès qu’il entendra arriver son véhicule puis sur toute personne passant devant la maison, etc.
Certains comportements apportent au chien une satisfaction intrinsèque. Aboyer ou poursuivre en font partie. En les pratiquant, l’animal obtient ce qu’il désire (la fuite de la cible par exemple) et en même temps il libère une énergie qui le soulage intensément de son stress. Il a donc une double motivation à reproduire ce comportement.
Le conflit de motivation
Il s’agit là du chien qui est tiraillé entre des émotions contradictoires et ne sait pas comment réagir.
Il peut être en même temps heureux de voir un congénère mais également dans l’appréhension de ce qui va se passer car ses expériences n’ont pas toujours été agréables.
C’est l’émotion la plus intense à ce moment-là qui dictera le comportement. Si c’est la crainte, le chien peut se montrer agressif ou menaçant ; si c’est la joie, il peut être surexcité ; si les émotions sont égales, elles peuvent s’annuler et le chien sera en position d’attente (donc calme aux yeux de son propriétaire)
C’est pourquoi, le même chien peut produire des comportements différents selon le cas et ses humains ne comprennent pas et ne savent jamais à quoi s’attendre.
La douleur ou l’inconfort physique
Certains problèmes de santé, tels que la douleur chronique, peuvent être des déclencheurs de la réactivité.
Si le chien souffre physiquement, il peut craindre qu’on l’approche ou qu’on le touche. Les jeux avec des congénères sont bannis par peur de la douleur. Et il leur fait comprendre…
Un examen vétérinaire approfondi est nécessaire pour exclure toute cause médicale. Traiter les problèmes de santé sous-jacents peut réduire significativement les comportements réactifs.
Le chien réactif du fait des actions humaines
De façon parfaitement involontaire, nous amenons parfois notre chien à devenir réactif aux congénères en agissant de façon inadéquate, ou en nous abstenant d’agir
Les conditions de développement
De 3 à 16 semaines, le chiot est en phase de socialisation marquée par deux temps forts :
- La phase d’imprégnation intra spécifique qui se tient entre 3 et 7 semaines : le chiot apprend qu’il appartient à l’espèce canine et reconnaît les autres chiens comme étant de la même espèce que lui. Il en apprend les codes et les comportements
- La phase d’imprégnation inter spécifique qui couvre la première phase en s’étendant de 3 à environ 16 semaines. Durant ce temps, le chiot apprend à reconnaître les autres espèces (dont l’humain) comme étant différentes mais néanmoins amies
Si, pour diverses raisons, le chiot ne peut mener à bien ces deux phases de développement, ses comportements futurs seront altérés car il considèrera comme une menace ce qu’il ne connaît pas.
Ainsi, si un chiot se trouve isolé, sans fratrie, et que rien n’est fait pour lui faire découvrir d’autres chiens, il ne s’identifiera pas à l’espèce canine et risque fort de devenir un chien réactif vis à vis des autres chiens.
Mais un travail de socialisation mal mené peut aussi avoir pour effet de rendre le chien réactif. Ainsi, si on se fixe pour objectif de faire voir un maximum de choses à son animal mais qu’on le met dans des situations stressantes ou déplaisantes (voir plus loin la partie sur les associations malheureuses), le résultat ira à l’encontre de l’effet recherché et rendra le chien agressif ou méfiant.
L’humain qui ne protège pas
Un chien confiant et non réactif aura comme premier réflexe de se tourner vers son propriétaire lorsqu’il se sent en difficulté. Il attend de lui une solution à son problème.
Si le maître ne réagit pas ou réagit mal, le chien cherchera alors le moyen de s’en sortir tout seul. Il adoptera un comportement de fuite ou d’agression (aboiements, tirage de laisse, grognement, tentative d’attaque…).
En effet, on ne peut pas s’attendre à ce que spontanément, le chien stressé par un congénère décide de lui-même de rester calme et d’ignorer l’autre chien.
Nous retrouvons là une situation classique dans laquelle le chien réactif se met en position de défense active, l’autre chien s’en va et notre réactif est persuadé que sa technique d’agression a fonctionné et a fait fuir l’ennemi. Il reproduira donc ce comportement de plus en plus fréquemment et de façon de plus en plus intense.
Dans un monde idéal, tous les chiens seraient bien « codés » et s’ajusteraient entre eux en parvenant à se lire mutuellement et à se respecter. Ce n’est pas le cas. Donc, ne laissez pas votre chien « se débrouiller » quand il est en difficulté. Intervenez. Montrez-lui que vous le comprenez et que vous le protégez. Vous lui apprenez ainsi à s’en référer à vous plutôt que de prendre des initiatives malheureuses.
Pour intervenir à temps, il faut savoir reconnaître les signes de malaise chez son chien. Certains sont évidents (queue entre les jambes, posture basse) mais d’autres beaucoup plus subtils (tourner la tête en direction opposée, faire mine de renifler le sol, se lécher la truffe sans raison…). Ces signaux varient d’un individu à l’autre mais leur gamme est assez étroite et rapidement assimilable.
La meilleure des protections est la prévention : ne laissez pas votre chien avoir des contacts avec tous les congénères qu’il croise. Privilégiez la qualité à la quantité en le laissant interagir avec des chiens connus et calmes, les rencontres se passeront bien. Si vous ne connaissez pas le chien en face, ne laissez pas votre animal aller au contact sans précaution et n’hésitez pas à passer votre chemin.
L’humain permissif
Votre chien aime beaucoup croiser des congénères et vous le laissez s’éclater dans les parties de jeu ?
Plus vous êtes permissif, plus les comportements de votre chien se renforceront au contact des autres chiens.
Ainsi, s’il a tendance à avoir une approche frontale, à harceler, à sauter sur les autres, à les poursuivre, à les renifler sans cesse… et que vous laissez faire, il reproduira encore et encore ces comportements en les trouvant normaux.
Jusqu’au jour où un congénère mal à l’aise va se rebiffer et réagir brutalement.
Observez bien les partenaires canins de votre toutou : sont-ils tous dans la même dynamique ? Les jeux sont-ils vraiment équilibrés ?
Dans un groupe de chiens, on ne voit souvent que le jeu car c’est ce qu’il nous plaît de voir. Nous aimons voir nos animaux interagir, se poursuivre, jouer à la bagarre.
Mais souvent il y en a un qui ne joue pas vraiment. Ou qui a cessé de jouer. Ou qui se sent victime. Ou qui n’aime pas cette situation…
Le risque est double : que le chien pénible se fasse agresser et devienne réactif et que le chien partenaire malgré lui, développe ou augmente une réactivité par anticipation de moments difficiles pour lui.
La création d’associations malheureuses
Nos amis canins sont très doués au jeu des associations.
Nos attitudes dans certaines situations vont amener le chien à généraliser et à considérer ces situations comme hyper stimulantes d’un point de vue émotionnel.
Quelques exemples :
- Vous souhaitez apprendre à votre chien à ne pas aller voir tous les congénères qu’il croise. C’est une très bonne idée. Mais pour cela, à chaque fois qu’un autre chien apparaît, vous tirez le vôtre en arrière en lui disant sèchement « non ! ». D’une bonne idée de départ, vous mettez votre chien en position de développer de la réactivité : il va finir par associer « vue d’un congénère = menace (puisque mon maître me retient et me gronde) »
- L’usage des colliers électriques a provoqué de la réactivité chez de trop nombreux chiens. Prenons le cas du chien qui aboie d’excitation à chaque fois qu’un chien passe devant chez lui. Si on met un collier électrique à ce chien, il recevra une impulsion douloureuse à chaque fois qu’un congénère passe. On deviendrait réactif pour moins que ça !
- Lorsqu’un chien sociable montre de la joie à chaque fois qu’il voit un copain et que du coup, il est toujours lâché pour aller jouer. Il associe « chien = joie = jeu » et son excitation monte de plus en plus à chaque fois qu’il aperçoit un congénère car il anticipe qu’il va être libéré pour aller au contact. Or, il y a toujours un point de bascule entre surexcitation et perte de contrôle. Et la perte de contrôle entraîne un risque de dérapage et de bagarre. Et donc un risque de fabriquer un chien réactif
- On voit beaucoup de chiens réactifs en laisse mais détendus quand ils sont libres. Deux principales raisons à cela :
- L’animal n’est pas à l’aise avec le congénère qu’il croise mais se sait retenu donc dans l’impossibilité de fuir. Il choisit alors de prendre une posture agressive pour se défendre.
- Le chien a l’habitude d’être lâché pour aller au contact et ressent donc une énorme frustration le jour où il en est empêché. Cette frustration peut générer de la réactivité à chaque fois que l’animal en croise un autre en étant attaché
Tous les motifs de réactivité congénères ne peuvent être listés et ce tour d’horizon ne prétend pas être exhaustif.
Comme précisé en introduction, les facteurs de réactivité peuvent aussi se cumuler. Par exemple, le chien craintif (trait de caractère favorable à la réactivité) qui ne trouve pas chez son humain l’assurance dont il a besoin devient facilement un chien agressif par instinct d’autoprotection
Qu’elle soit dirigée vers les congénères ou vers autre chose (humains, autres animaux, mouvements…), la réactivité est un problème complexe qui ne cesse pas spontanément.
Elle est source de beaucoup de stress et de souffrance pour tout le monde et empêche d’avoir une vie normale avec son chien.
Pour les maîtres, la frustration est grande ainsi que la crainte d’un accident grave. Le chien agressif est souvent abandonné ou même euthanasié.
Pour le chien réactif, chaque confrontation est source de violentes émotions, qui lui impose une réaction brutale car il ne sait et ne peux gérer différemment.
Quel que soit sa nature, les comportements liés à la réactivité peuvent disparaître ou grandement s’améliorer mais il faut pour cela mener un travail rigoureux dont il sera question dans un prochain article : comment gérer un chien réactif.